littérature et photographie

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Replanter ou disparaître

Sécheresse, canicules, orages, incendies et inondations… En 1977, j’abordai les prémices des dérèglements climatiques dans “Sauver le bocage”, première étude consacrée à ce type de paysage dans ses implications agricoles, supervisée par le Muséum d’histoire naturelle de Paris.

Édité par le CRÉPAN (Comité Régional d’Étude pour la Protection et l’Aménagement de la Nature en Normandie), où il resterait quelques exemplaires, sinon on peut en obtenir copie à la BNF https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34710064k

Un réseau de haies s’apparente à une forêt linéaire, laquelle agit de deux façons sur le climat. D’abord en affaiblissant les vents au niveau des sols (ce ne sont pas des murs, mais des brise-vent, semi-perméables) et donc en évitant érosion et assèchement. Ensuite en facilitant la reconstitution des nappes phréatiques. Les pluies peuvent être violentes, les feuillages retiennent l’eau avant d’en imprégner lentement le sol. Puis, par temps sec, les arbres puisent dans cette réserve et la redistribuent (évaporation-transpiration). 

Ces deux facteurs contribuent à créer et maintenir un microclimat tempéré. Et, à l’échelle d’une région, ces microclimats se conjuguent et forment un climat plus vaste, plus ancré.

La condition pour atteindre cette efficacité, c’est la constitution d’un maillage fermé de haies. Elles peuvent enclore de grandes surfaces, tout s’étudie localement (vents, relief, environnement). L’argument de la perte de terrain, qui a conduit à l’arasement massif des haies, se voit désormais compensé par la perte croissante de rendement des Beauce artificielles.

Face au risque de stopper l’exploitation de terres agricoles, faute de rentabilité économique due aux dérèglements climatiques et aux pratiques agricoles dominantes, la question de replanter n’est plus anodine.

D’autant que les arbres absorbent nos excès de CO2

Les arbres tempèrent le climat en régulant le transfert de l’eau entre les nuages et les nappes phréatiques.

Un avant-goût du dérèglement climatique

Mon premier livre n’était pas un roman, mais une étude sur le bilan agronomique des haies. « Sauver le bocage », édité par une association régionale, le CREPAN, en 1977, dressait pour la première fois un panorama complet sur les effets des brise-vent et de leur maillage sur la production agricole. Supervisé par le Muséum d’Histoire naturelle de Paris, il démontrait les bienfaits d’un réseau de haies convenablement entretenues sur le microclimat, et par répercussion sur le climat régional. A contrario, il insistait sur les dérèglements climatiques liés à une pratique abusive du remembrement et de ses travaux connexes (assèchement des mares, canalisation des cours d’eau, arasement des haies et des bosquets, agrandissement des parcelles pour favoriser les monocultures). Pour ne pas donner prise aux critiques, qui tenaient les écologistes pour de doux rêveurs, je n’avais abordé la biodiversité favorisée par cette « forêt linéaire » uniquement dans ses répercussions agricoles.

Quelques années plus tard, j’ai publié dans L’Univers du vivant un article de 17 pages sur l’histoire des bocages (normands, français, internationaux).

Le dérèglement climatique qui commence à se manifester de façon si spectaculaire n’est fondamentalement pas dû à d’autres phénomènes que ceux que je relevais, dont la cupidité et la surconsommation. 

Ce thème (lié au rôle de la religion dans le défrichement), je l’aborde dans le (long) roman dont j’achève l’écriture.

“Voilà ce que j’ai vu, le ressens-tu ?”

Certes, le pouvoir d’interpellation des photographies de Sebastião Salgado, actuellement dans l’exposition « Déclarations », me touche d’autant plus que nos filles sont, comme lui, Brésiliennes. La plupart des clichés ont été pris au Brésil ou en France, et se rapportent aux migrants et à la pauvreté paysanne, quelques-unes aux mutations industrielles.
Pas une image qui ne transmette un choc, qui ne pousse à s’interroger au-delà de l’esthétique théâtrale d’un noir et blanc savamment développé. L’émotion suscitée se grave dans les confins de la mémoire, Salgado sème des messages durables par sa maîtrise combinée du cadrage (l’on croirait parfois des mises en scène) et le choix réfléchi du sujet (il travaille par thèmes, s’y investit sur le long terme). Pas d’effet gratuit, pas de recours au misérabilisme, un regard juste. Qui implique le spectateur, qui le sollicite, qui le marque, le sensibilise. Peut-être qu’un Tweet ou qu’une scène en boucle sur une chaîne d’information continue le touchera davantage parce qu’il éveillera une indignation confuse, inscrite, incrustée en lui grâce à ces photographies.
Que de grands tirages en noir et blanc chatouillent nos consciences alors que jamais nous n’avons produit et consommé autant d’instantanés a quelque chose de réconfortant. Et d’incitatif. L’exposition temporaire, l’album offert à Noël, voire le grand reportage photographique des magazines dans les salles d’attente, conservent (ou gagnent, par opposition) une influence morale. Parce que le témoignage transmis ne s’adresse pas à la seule raison, qu’il touche le tréfonds de notre conscience, qu’il est moins question de données ou de statistiques, qu’il s’impose comme une affaire d’homme à homme – Voilà ce que j’ai vu, le ressens-tu ?

Bob Morane muselle Trump

Conte de la plaine et des bois figure dans la sélection du prix Bob Morane. Certes, pas de quoi rivaliser avec les élections américaines, ce 9/11… Bien que, plus que jamais la démocratie semble avoir besoin de superhéros pour la sauver de la légèreté des urnes.

Eh puis, parler d’un créateur de dessins animés, c’est parler des motivations, des efforts et des dérives de ceux qui s’emploient à nous donner un peu de bonheur.

Donner du bonheur,  ça pourrait faire un beau programme… Mais, ne rêvons pas, Conte de la plaine et des bois est étiqueté « imaginaire ».

Petites manies, et grande perte

Dès l’âge de huit ans, j’ai aimé taper à la machine à écrire. Je n’ai cessé de les collectionner, jusqu’à mon premier ordinateur, un Amstrad vendu avec son imprimante – une révolution, alors. Quel plaisir de pouvoir corriger son texte sans tout ressaisir ! Ensuite, mon premier Mac : un Mac 128, offert par une cliente qui n’en avait pas l’usage (une disquette pour charger le système, une autre pour charger Word, qui pesait en tout et pour tout ses 500 Ko, une dernière pour enregistrer son document). Avec mon premier portable, découverte de la vie d’écrivain nomade : ne plus être cantonné dans son bureau, distinguer enfin l’écriture travail de l’écriture passion. Avec le MacBook Air (le premier modèle, je n’ai pas su attendre), je me suis mis à écrire partout, à tout bout de champ : dans une salle d’attente, sur une banquette du métro, à une terrasse, contre le lit d’une de mes filles qui peinait à s’endormir (cette extrême mobilité m’a amené à me consacrer pour quelques minutes à la réécriture d’un ou deux paragraphes, pris souvent au hasard, ce qui a changé mon regard sur mon travail, comme si cette perspective inédite réclamait la justification de ces passages et, de là, du tout). Avec le tout dernier, réactif (prendre une note sans attendre), lumineux (enfin écrire dans son jardin quand il ne pleuvine pas) et endurant (dix heures avec juste la sauvegarde permanente en WiFi), j’avais l’outil idéal en main.
Mais, outre ces aspects pratiques, j’ai développé un rapport singulier avec l’écran. Certains écrivent debout ou se relisent à haute voix ; aussitôt l’écran levé, je suis déconnecté du reste du monde : il n’y a plus que ce livre qui compte. Ouvrir le capot, c’est comme rejoindre ma tour d’ivoire, ou laisser tomber le masque : je suis tout entier dans l’écriture.

Vulnérable

Pourquoi tous ces mots sur mes petites manies ? Parce que j’en mesure le grand manque : le 18 mai, quelqu’un est entré chez moi, une minute ou deux, et a dérobé cet ordinateur que j’avais laissé en évidence, puisque j’étais dans une autre pièce…
Maniaque des sauvegardes (l’Amstrad s’éteignait inopinément plusieurs fois par jour), je n’ai rien perdu de mes textes. J’ai juste perdu mon outil d’écriture – et, avec lui, de mon entrain, de mon allant, de la joie d’ajouter une page.
Alors, certes, j’ai accès à d’autres postes de travail. Et je passe, effectivement, d’un ordinateur à l’autre, et même, comme actuellement, à une tablette d’emprunt. Je continue d’écrire, un peu. Seulement, je suis dans un costume trop étroit et qui a l’odeur d’un autre. Certes, à force de concentration, les paragraphes s’additionnent, mais ce n’est pas ça. J’ai le sentiment de produire du brouillon, du provisoire, et j’attends d’y revenir avec mon nouveau portable.
Tiens, oui : pourquoi ne pas nous en avoir racheté un autre ?
Bon, les 10 000 exemplaires du Vaisseau ardent ont produit une année de loyer, ce qui n’est déjà pas si mal quand on se penche sur l’économie de l’écrivain. Mais, reste l’assurance. Laquelle prévoit les intrusions clandestines. J’ai donc fourni le rapport de police, le plan et les photos du trajet éclair du voleur, la vue évidente du matériel volé du bout du couloir, rappelé mon ancienneté d’au moins vingt années sans sinistre, et l’activité exercée avec cet ordinateur.
Oui, mais… Si je mentais ?

Négligeable

Le service technique de mon assureur pense que je suis sincère et a remis un avis favorable ; après un mois de délibération, la direction, qui tranche en dernier ressort, a jugé que non. Indemnités refusées.

Un voleur m’a fait mesurer combien j’étais vulnérable, un assureur combien j’étais négligeable.
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Mon chat aussi est concerné…

Actualiser Perrault…

Pour ”tous lire”, j’ai adapté de nombreux contes à destination d’enfants qui rencontrent de grandes difficultés dans l’apprentissage de la lecture. Grâce à eux, j’ai redécouvert Charles Perrault, que je croyais connaître. Je me suis souvenu que lorsque j’ai souhaité le lire à mes filles, je m’étais heurté à une langue trop ardue, peinant à comprendre certains mots, déconcerté par des expressions. Après avoir réécrit Cendrillon et Le Petit Poucet pour la collection PREMIERS CONTES, je me suis replongé dans ces textes pour les dépoussiérer et proposer Les Contes de ma mère l’Oie, en français d’aujourd’hui destiné à tous.

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Voici un extrait de la post-face :

Pourquoi « actualiser » Perrault ? Voilà la question qui s’est posée vers le milieu du XIXe siècle : la langue avait évolué en cent cinquante ans, trop pour continuer à s’adresser au plus grand nombre. Certes, le texte restait beau en lui-même, et apprécié de certains amateurs pour qui ses archaïsmes constituaient autant de régals. Mais, sans cette modernisation des « Contes de ma mère l’Oye », connaîtrions-nous « Le Petit Chaperon rouge » ou « La Belle au bois dormant » autrement que signés des frères Grimm ?

Au début du XXe siècle, une nouvelle édition en a été établie, calquée sur la précédente, laquelle avait éludé certaines « moralités », mais expliquait déjà en note en bas de page quelques termes surannés. Cette version figure au catalogue de nombre d’éditeurs – dans une langue qui accuse donc à nouveau cent cinquante ans (et plus…).

Hollywood ne cesse de s’inspirer des contes de fées, quitte à les dénaturer pour les plier aux exigences de son commerce : c’est là un indice sur l’importance de ces textes, la puissance de leur imaginaire et la fragilité de notre patrimoine. Ils sont l’héritage d’une longue tradition orale, et par là se trouvent ancrés dans notre imaginaire collectif. Ils sont indispensables à notre éveil, à l’apprentissage du monde et à la maîtrise de nos peurs. Ils forment encore la porte des bibliothèques, et sont l’un des piliers de l’imaginaire littéraire.

À l’heure où l’industrie du divertissement empiète sur notre temps de lecture, n’oublions pas Perrault. Avec lui, le Petit Chaperon rouge n’est pas sauvé par les chasseurs, la Belle au bois dormant encourt un plus grand risque en compagnie de sa belle-mère qu’à se piquer le doigt… L’imaginaire littéraire est un arbre charmant aux ramages fluctuants, mais l’arbre dépérit si l’on néglige ses racines.

Cinq ans…

Écrire est une aventure. Se fixer un cap. Hisser les voiles, affronter tempêtes et calme plat. Se fier aux astres, galérer. Monstres, sirènes, albatros, mirages. Tous les jours du rhum et de la morue salée. Des îles, des escales, pour chaque fois repartir… Dix-huit années de rêves, dont onze d’écriture épisodique avant sept de travail quotidien. Et puis : terre.  Me voilà romancier, certainement mon plus cher rêve d’enfance.  Ce gros livre, peut-être le plus gros premier roman, si lourd qu’il ne se tient qu’à deux mains, trop lourd donc, une fois reposé me laisse une impression de vide. Ai-je réussi ? Ou bien, est-ce le voyage qui me manque ? Ce voyage. Les pages auxquelles j’ai renoncé, les péripéties et les personnages abrégés ou écartés.

Hâte de m’isoler, d’écrire à nouveau, enfin. Ce que je fais, tandis que ces trois ramettes si souvent réécrites ne m’appartiennent plus.

À la télévision, Franz-Olivier Giesbert annonce Le Vaisseau ardent la veille de sa parution, en en faisant le tout dernier coup de cœur de l’émission Vous aurez le dernier mot – avant d’en faire celui du magazine Le Point. Le Nouvel observateur consacre deux pages à mes pirates. À sortie en Folio, Le Magazine littéraire signale Le Vaisseau ardent parmi les poches de l’été ; Le Figaro littéraire le mentionne à ces deux occasions. En tout, une centaine de recensions, entre presse écrite et blogs, avec des formules qui vont droit au cœur. Finaliste d’une poignée de prix littéraires. Dix mille exemplaires en cinq années, trois ou quatre s’y ajoutant encore chaque jour, pour donner un chiffre.

Et demain ? Même si les contes de “tous lire” abritent un ogre chronophage, insatiable et nécessaire, je continue d’écrire “pour moi”, bien sûr. Quelques nouvelles, deux romans en relecture – et bien des pistes explorées qui ne valent, peut-être, que pour le voyage… Aux éditeurs qui soupèsent mes manuscrits de décider de la suite.

Si ta vie s’endort…

Depuis trente ans, à chaque étape de ma vie, lorsqu’il faut affronter l’adversité, ou simplement faire un choix, je me répète ces mots de Jean Malrieux (in Levée en masse) :

Si ta vie s’endort, risque-là.

J’en fait ma devise pour les trente prochaines !

#VendrediLecture

En ce vendredi 27 février, deux évènements.

D’abord, un partenariat sur Twitter avec #VendrediLecture. Confiez-leur votre lecture en cours, et vous recevrez peut-être Le Vaisseau ardent et Le Fou de Dieu

Ensuite, l’opération “tous lire” aura un mois – j’ai commencé à diffuser Trois contes fin janvier. Ce recueil est un test grandeur nature de réécriture et de présentation des contes traditionnels pour les enfants qui ont du mal à lire ou qui n’aiment pas lire.

Les deux événements sont liés. J’ai dédié Le Vaisseau ardent aux enfants des rues. Je ne l’aurais pas écrit si je n’avais pas été révolté par le sort de ces enfants privés d’enfance. Dans ce roman, j’ai transposé leur condition dans un autre siècle, et leur utopie dans une autre dimension. “tous lire” est issu de la même “indignation”. Je ne peux pas me résoudre à accepter qu’on me rétorque que les enfants qui ont du mal à lire n’ont qu’à s’adapter. Comme si leur tendre la main les dispensait d’efforts. Comme si ne pas leur tendre la main ne revenait pas à en dissuader de lire.  Lire ne peut pas rester un privilège.

 Les enfants ont plus besoin de guides pour lire que pour marcher.

Plutarque

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