littérature et photographie

Catégorie : village natal

Où suis-je né: première parution

Première parution sur une double-page de la série photographique Où suis-je né, désormais ? dans Réponses photo (daté novembre 2021,  n°344).

« Un noir et blanc équilibré, des cadrages soignés et toujours justes, et même des instants décisifs. »  Yann Garret
« Certaines images me rappellent Raymond Depardon, et adoptent même la distance chère à celui-ci. »  Thibaut Godet

La rubrique « Lecture d’un portfolio » est un exercice auquel j’ai accepté de me prêter, où l’on récolte critiques et compliments. Contrairement à mes écrits, je n’ai pas soumis publiquement un travail achevé, mais toujours en développement. Dans cette phase, la sévérité du jugement peut inciter à quitter sa zone de confort, à se montrer plus exigeant. Comme avec les « oui » et plus encore les « non » de Gilles Dumay en marge du manuscrit du Vaisseau ardent.

Première leçon : le choix des images (et leur importance respective dans la mise en page), avec la mise en avant de cette ruelle. Longtemps, je n’ai été inspiré que par les éclats de lumière (ici, plus que là où je vis, désormais, les ciels peuvent être magnifiques, capricieux, menaçants), et cette grisaille m’a toujours renvoyé dans ma chambre ou à mon bureau. Tenter de saisir l’essence de cette luminosité égale n’a pas été évident, mais convaincant. Le choix de la rédaction confirme cette démarche.

Deuxième leçon : le piège de la nostalgie. Ma quête est introspective et se déroule dans mon village natal. Mais je n’ai aucun regret, je n’éprouve aucune tristesse, je n’ai aucune envie de revivre quelque chose de mon enfance (ingrédients de la définition du mot nostalgie). S’il y a interrogation, c’est sur l’origine de mon regard, de ma sensibilité aux formes, aux matières, à l’équilibre géométrique. Et, puisque c’est là qu’il s’est forgé, est-ce là encore qu’il peut évoluer? Le titre de cette série participe évidemment à orienter l’attente, même s’il contient la notion de rupture. 

Troisième leçon : l’émotion (ici, jugée insuffisante). Il me semble que ce reproche est lié à la nostalgie, laquelle, précisément, n’est qu’émotions. Mais cela va plus loin. Délibérément, mes photos sont inanimées. Pas de personnage, ni attachant visage ni main tavelée. Les seuls éléments vivants, ce sont les oiseaux. Les seules choses qui bougent, ce sont le ciel, les girouettes, les ombres. Tout le reste est immobile, figé. Parce que c’est ce qui demeure, ou qui paraît immuable. Quand la photographie a été mon métier, je m’intéressais principalement aux sujets humains, au reportage social (avec une dimension politique, d’engagement, sans laquelle la photo se résume à la carte postale, et que je ressens dès que je tourne mon objectif vers quelqu’un). Mais j’étais également attiré par l’abstraction que l’on rencontre partout autour de nous (et pas seulement au musée), par ce qui semble si banal qu’on ne lui prête pas attention. D’où, certainement, cette distance, voire une priorité donnée au cadrage (plus qu’à l’instant), comme en compensation de cette négligence commune.

Ma dernière photo d’avant cette publication: le ballet des oiseaux au crépuscule, vu du jardin.