Pour ”tous lire”, j’ai adapté de nombreux contes à destination d’enfants qui rencontrent de grandes difficultés dans l’apprentissage de la lecture. Grâce à eux, j’ai redécouvert Charles Perrault, que je croyais connaître. Je me suis souvenu que lorsque j’ai souhaité le lire à mes filles, je m’étais heurté à une langue trop ardue, peinant à comprendre certains mots, déconcerté par des expressions. Après avoir réécrit Cendrillon et Le Petit Poucet pour la collection PREMIERS CONTES, je me suis replongé dans ces textes pour les dépoussiérer et proposer Les Contes de ma mère l’Oie, en français d’aujourd’hui destiné à tous.
Voici un extrait de la post-face :
Pourquoi « actualiser » Perrault ? Voilà la question qui s’est posée vers le milieu du XIXe siècle : la langue avait évolué en cent cinquante ans, trop pour continuer à s’adresser au plus grand nombre. Certes, le texte restait beau en lui-même, et apprécié de certains amateurs pour qui ses archaïsmes constituaient autant de régals. Mais, sans cette modernisation des « Contes de ma mère l’Oye », connaîtrions-nous « Le Petit Chaperon rouge » ou « La Belle au bois dormant » autrement que signés des frères Grimm ?
Au début du XXe siècle, une nouvelle édition en a été établie, calquée sur la précédente, laquelle avait éludé certaines « moralités », mais expliquait déjà en note en bas de page quelques termes surannés. Cette version figure au catalogue de nombre d’éditeurs – dans une langue qui accuse donc à nouveau cent cinquante ans (et plus…).
Hollywood ne cesse de s’inspirer des contes de fées, quitte à les dénaturer pour les plier aux exigences de son commerce : c’est là un indice sur l’importance de ces textes, la puissance de leur imaginaire et la fragilité de notre patrimoine. Ils sont l’héritage d’une longue tradition orale, et par là se trouvent ancrés dans notre imaginaire collectif. Ils sont indispensables à notre éveil, à l’apprentissage du monde et à la maîtrise de nos peurs. Ils forment encore la porte des bibliothèques, et sont l’un des piliers de l’imaginaire littéraire.
À l’heure où l’industrie du divertissement empiète sur notre temps de lecture, n’oublions pas Perrault. Avec lui, le Petit Chaperon rouge n’est pas sauvé par les chasseurs, la Belle au bois dormant encourt un plus grand risque en compagnie de sa belle-mère qu’à se piquer le doigt… L’imaginaire littéraire est un arbre charmant aux ramages fluctuants, mais l’arbre dépérit si l’on néglige ses racines.