Certes, le pouvoir d’interpellation des photographies de Sebastião Salgado, actuellement dans l’exposition « Déclarations », me touche d’autant plus que nos filles sont, comme lui, Brésiliennes. La plupart des clichés ont été pris au Brésil ou en France, et se rapportent aux migrants et à la pauvreté paysanne, quelques-unes aux mutations industrielles.
Pas une image qui ne transmette un choc, qui ne pousse à s’interroger au-delà de l’esthétique théâtrale d’un noir et blanc savamment développé. L’émotion suscitée se grave dans les confins de la mémoire, Salgado sème des messages durables par sa maîtrise combinée du cadrage (l’on croirait parfois des mises en scène) et le choix réfléchi du sujet (il travaille par thèmes, s’y investit sur le long terme). Pas d’effet gratuit, pas de recours au misérabilisme, un regard juste. Qui implique le spectateur, qui le sollicite, qui le marque, le sensibilise. Peut-être qu’un Tweet ou qu’une scène en boucle sur une chaîne d’information continue le touchera davantage parce qu’il éveillera une indignation confuse, inscrite, incrustée en lui grâce à ces photographies.
Que de grands tirages en noir et blanc chatouillent nos consciences alors que jamais nous n’avons produit et consommé autant d’instantanés a quelque chose de réconfortant. Et d’incitatif. L’exposition temporaire, l’album offert à Noël, voire le grand reportage photographique des magazines dans les salles d’attente, conservent (ou gagnent, par opposition) une influence morale. Parce que le témoignage transmis ne s’adresse pas à la seule raison, qu’il touche le tréfonds de notre conscience, qu’il est moins question de données ou de statistiques, qu’il s’impose comme une affaire d’homme à homme – Voilà ce que j’ai vu, le ressens-tu ?
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