littérature et photographie

Étiquette : Approche (Page 3 of 3)

Qu’allez-vous voir aujourd’hui dans le métro ?

Le vernissage, c’est dans quelques minutes… 
En préparant cette exposition, mon choix s’est tout naturellement porté vers une série d’images que j’avais en tête, en fait les tout premières. Ainsi, sans l’avoir cherché, ma sélection présente des photos prises essentiellement entre novembre 2003 et février 2004, époque où j’ai commencé ma démarche. 
Plusieurs fois, deux images datent du même jour… Je n’ai pas voulu changer mon choix pour autant (j’ai des images récentes qui me plaisent énormément, seulement elles ne figurent pas  – pas encore – dans mon musée imaginaire…). La brièveté de cette  période insiste sur le sens de mon travail : ces « morceaux choisis », des milliers d’usagers du métro les ont croisées et auraient pu les remarquer. 
Et vous, qu’allez-vous voir aujourd’hui dans le métro ?

Tibet libre



Le sujet n’est pas nouveau, cette image date de 2004… 
Collé par hasard sur le visage de cette affiche, ce slogan puise ici sa force d’interpellation par la perspective donnée au regard. La tentation de photographier un objet de deux dimensions en respectant son plan est forte. Mais il est parfois intéressant de trouver un angle qui exploite la profondeur de champ et les distorsions, sans exagération.

Technique de prise de vues


On me demande régulièrement où je prends mes images. Un peu partout… mais essentiellement dans le métro parisien. La plupart du temps, les grandes affiches sur les quais sont changées avant d’entamer leur transformation, c’est moins le cas dans les couloirs secondaires…

Il me faut donc beaucoup marcher… dans le métro. Guetter les affiches altérées, aller les voir de près et n’en photographier, peut-être, qu’une sur vingt… Parfois, en attendant une rame qui se faisait désirer, je me suis « forcé » à étudier les affiches présentes et souvent je finissais par voir quelque chose…
Je garde un principe dont je ne m’écarte jamais : je n’interviens pas dans le processus d’altération de l’affiche. En un mot : je ne touche à rien. Ni avant la prise de vue, ni après.
Pour illustrer mon approche, voici deux images. La première représente l’affiche dans son contexte, une publicité pour les tirages de Steve McCurry, avec cet étonnant portrait. 
La seconde, celle du troisième œil, irradiant, l’une de mes images.
Pour le Continent éphémère, les affiches sont souvent devenus illisibles à force de déchirures, ou bien ce n’est qu’un fragment particulièrement réduit que j’en extrait. 

Estampe japonaise ?

Cette image se situait sur le même panneau que l’autre paysage très « japonais » retenu pour l’exposition. Une troisième image, d’ailleurs, mord sur ces deux photos. Mais celles-ci illustrent assez bien ce qui retient mon œil. 
Pour celle de l’expo, j’ai cru voir une estampe moderne, mais mon attention a été d’abord  accrochée par cette collision entre l’affiche publicitaire d’un voyagiste et les indispensables travaux de maintenance du métro. Rivée sur l’illustration, cette plaque met en scène le cortège des baigneurs, pèse sur lui de cet œil inquisiteur qui « casse » l’harmonie délicate de la composition. Les touristes suivent des sentiers fictifs qui rappellent les gouttes de pluie sur une vitre. La part du sable, à peine mis en relief par la mer qui pointe sur l’œil, est amplifiée par la concordance de teintes avec la plaque plastifiée qui la recouvre. Aucune personne n’est identifiable, réduite au statut de fourmis, voilà qui accentue encore la part du sable. Autrement dit, la part du vide, traditionnellement représenté par des brumes et des brouillards. Encore un peu, et c’est de la philo…

Vernissage

Merci…
Sillonner les métros en quête de fragments d’affiches étonnants est une démarche originale – j’emploie ce mot à dessein, car le doute subsistait quelque part de passer pour un original, dans l’acception la moins flatteuse du dictionnaire.
Votre présence était un gage de sympathie chaleureux, vos commentaires sont un encouragement puissant.

Ce qui m’a frappé, c’est la diversité de nos regards. De fait, j’ai photographié des paysages et des créatures qui n’existent pass. Le hasard seul a esquissé ces figurations que j’ai identifiées comme telles, car elles n’étaient des paysages ou des créatures que j’y reconnaissais. Nous en avons débattu hier soir jusqu’à tard, nos visions coïncident souvent, mais elles divergent plus souvent encore ! Ces détails de déchirures stimulent notre imaginaire, nous devinons des formes qui parlent à chacun de nous (et parfois, au second regard, une autre projection s’impose…). Quel beau compliment quand Sylvie y a associé des sons et des odeurs…

Pour moi la photographie a toujours eu cette vocation secrète : donner aussi à voir autre chose que ce qu’elle montre. Même en reportage classique, les choix du moment et de la composition transforment le témoignage (voilà ce qui c’est passé) en une incitation à imaginer (voilà ce que j’ai vu : et vous, que voyez-vous ?). À mon sens, c’est cette dimension qui fait qu’un cliché d’actualité dépasse le drame exposé pour étrangement nous émouvoir par sa seule beauté.

À l’exotisme du sujet, je préfère l’exploration du quotidien, dans ce qu’il a de plus ordinaire, de plus banal. Les affiches publicitaires inondent nos journées, mais cette identité fonctionnelle se révèle précaire : une fois cette démarche amorcée, y débusquer les traces du Continent éphémère devient une invitation permanente au voyage.

Bienvenue sur mon blog

Depuis quelques années, je regarde les affiches autrement. Je guette leurs premiers signes de vieillissement, ce moment où quelque chose se passe. Ou s’en échappe.
Les enfants (mais pas seulement eux) voient dans les nuages des sculptures en pleine métamorphose, proches en cela des écrivains qui décrivent des mondes parallèles… Les affiches renferment une telle dimension.
Il faut un peu attendre. Resplendissantes de nouveauté, elles ne lâchent rien de leur secret. Mais, très vite, l’attraction initiale passée, elles entament un processus qui les transforme – et qui révèle leur véritable nature. Usures et déchirures peuvent enfin composer des figures qui nous sont à la fois étrangères et familières.
Le Continent éphémère rassemble ainsi les premiers témoignages photographiques de paysages et de créatures qui n’existent pas.
« Qui n’existent pas ? » Ces visions ne sont pas inventées*, et elles sont indéniablement liées à notre monde. À chacun de nos mondes, d’ailleurs… Pour preuve, les paysages et créatures que vous verrez ne seront pas nécessairement ceux que j’ai cru photographier…
* Ces images sont rigoureusement « authentiques » : ce sont de simples photos, non recadrées, sans trucage ni mise en scène.
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