En cette journée internationale contre les violences faites aux femmes, trois photos extraites de ma série sur les affiches du métro parisien, Nous ne sommes pas.



littérature et photographie
En cette journée internationale contre les violences faites aux femmes, trois photos extraites de ma série sur les affiches du métro parisien, Nous ne sommes pas.
Dernières images du ciel par ma fenêtre, avant déménagement. Peut-être pas les «meilleures», mais assez représentatives de ces ciels que j’entrapercevais incidemment par le vasistas de mon bureau. Combien de fois je me suis élancé pour enregistrer une configuration capricieuse entre nuages, soleil couchant, lignes aériennes et vols d’oiseaux…
Robert Hainard disait que la chose la plus piégeante à dessiner, à égalité avec les escargots dont la lenteur estompe l’idée de mouvement, ce sont les nuages. On regarde, on dessine de mémoire, on relève les yeux pour découvrir que la disposition de toutes choses a changé.
Malgré ce précieux avertissement, je m’y suis laissé prendre plus d’une fois.
En lien avec ce projet La tête dans les nuages (série photographique), qui m’a convaincu de reprendre la photo.
Je pensais avoir épuisé le sujet, mais j’ai tourné autour des éoliennes d’Argentan avec mon plus simple équipement. Un Sony 6000 sur lequel j’ai monté une optique entièrement manuelle et compacte (Pergear 35mm f1.6, l’équivalent d’une focale «normale»). J’avais tellement l’impression de me retrouver avec mon Leica M2 que j’ai cédé plusieurs fois au réflexe de réarmer pour avancer le film ! Quel bonheur.
À l’occasion des élections présidentielles 2022, j’ai fureté du côté des affiches près de chez moi. Toujours avec l’idée que leurs altérations (ici, délibérées) révèlent un sens caché (parfois subtile, parfois vraiment pas) qui a échappé à l’intention des militants. Pour rappel, je n’interviens ni avant ni après la prise de vue (sauf pour passer l’image en noir et blanc), mais cette fois j’ai utilisé une optique à flou et décentrement, qui permet de valoriser une portion de l’image.
Première parution sur une double-page de la série photographique Où suis-je né, désormais ? dans Réponses photo (daté novembre 2021, n°344).
« Un noir et blanc équilibré, des cadrages soignés et toujours justes, et même des instants décisifs. » Yann Garret
« Certaines images me rappellent Raymond Depardon, et adoptent même la distance chère à celui-ci. » Thibaut Godet
La rubrique « Lecture d’un portfolio » est un exercice auquel j’ai accepté de me prêter, où l’on récolte critiques et compliments. Contrairement à mes écrits, je n’ai pas soumis publiquement un travail achevé, mais toujours en développement. Dans cette phase, la sévérité du jugement peut inciter à quitter sa zone de confort, à se montrer plus exigeant. Comme avec les « oui » et plus encore les « non » de Gilles Dumay en marge du manuscrit du Vaisseau ardent.
Première leçon : le choix des images (et leur importance respective dans la mise en page), avec la mise en avant de cette ruelle. Longtemps, je n’ai été inspiré que par les éclats de lumière (ici, plus que là où je vis, désormais, les ciels peuvent être magnifiques, capricieux, menaçants), et cette grisaille m’a toujours renvoyé dans ma chambre ou à mon bureau. Tenter de saisir l’essence de cette luminosité égale n’a pas été évident, mais convaincant. Le choix de la rédaction confirme cette démarche.
Deuxième leçon : le piège de la nostalgie. Ma quête est introspective et se déroule dans mon village natal. Mais je n’ai aucun regret, je n’éprouve aucune tristesse, je n’ai aucune envie de revivre quelque chose de mon enfance (ingrédients de la définition du mot nostalgie). S’il y a interrogation, c’est sur l’origine de mon regard, de ma sensibilité aux formes, aux matières, à l’équilibre géométrique. Et, puisque c’est là qu’il s’est forgé, est-ce là encore qu’il peut évoluer? Le titre de cette série participe évidemment à orienter l’attente, même s’il contient la notion de rupture.
Troisième leçon : l’émotion (ici, jugée insuffisante). Il me semble que ce reproche est lié à la nostalgie, laquelle, précisément, n’est qu’émotions. Mais cela va plus loin. Délibérément, mes photos sont inanimées. Pas de personnage, ni attachant visage ni main tavelée. Les seuls éléments vivants, ce sont les oiseaux. Les seules choses qui bougent, ce sont le ciel, les girouettes, les ombres. Tout le reste est immobile, figé. Parce que c’est ce qui demeure, ou qui paraît immuable. Quand la photographie a été mon métier, je m’intéressais principalement aux sujets humains, au reportage social (avec une dimension politique, d’engagement, sans laquelle la photo se résume à la carte postale, et que je ressens dès que je tourne mon objectif vers quelqu’un). Mais j’étais également attiré par l’abstraction que l’on rencontre partout autour de nous (et pas seulement au musée), par ce qui semble si banal qu’on ne lui prête pas attention. D’où, certainement, cette distance, voire une priorité donnée au cadrage (plus qu’à l’instant), comme en compensation de cette négligence commune.
Ma dernière photo d’avant cette publication: le ballet des oiseaux au crépuscule, vu du jardin.
La revue Loenke magazine vient de publier une interview à propos de mon travail photographique sur le statuaire féminin du cimetière parisien du Père-Lachaise.
“It seems to me that this is the essence of photography, containing a singular element that modifies the perception of what is represented. “
Certes, le pouvoir d’interpellation des photographies de Sebastião Salgado, actuellement dans l’exposition « Déclarations », me touche d’autant plus que nos filles sont, comme lui, Brésiliennes. La plupart des clichés ont été pris au Brésil ou en France, et se rapportent aux migrants et à la pauvreté paysanne, quelques-unes aux mutations industrielles.
Pas une image qui ne transmette un choc, qui ne pousse à s’interroger au-delà de l’esthétique théâtrale d’un noir et blanc savamment développé. L’émotion suscitée se grave dans les confins de la mémoire, Salgado sème des messages durables par sa maîtrise combinée du cadrage (l’on croirait parfois des mises en scène) et le choix réfléchi du sujet (il travaille par thèmes, s’y investit sur le long terme). Pas d’effet gratuit, pas de recours au misérabilisme, un regard juste. Qui implique le spectateur, qui le sollicite, qui le marque, le sensibilise. Peut-être qu’un Tweet ou qu’une scène en boucle sur une chaîne d’information continue le touchera davantage parce qu’il éveillera une indignation confuse, inscrite, incrustée en lui grâce à ces photographies.
Que de grands tirages en noir et blanc chatouillent nos consciences alors que jamais nous n’avons produit et consommé autant d’instantanés a quelque chose de réconfortant. Et d’incitatif. L’exposition temporaire, l’album offert à Noël, voire le grand reportage photographique des magazines dans les salles d’attente, conservent (ou gagnent, par opposition) une influence morale. Parce que le témoignage transmis ne s’adresse pas à la seule raison, qu’il touche le tréfonds de notre conscience, qu’il est moins question de données ou de statistiques, qu’il s’impose comme une affaire d’homme à homme – Voilà ce que j’ai vu, le ressens-tu ?
© 2023 Jean-Claude Marguerite
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