Depuis que je photographie en numérique, je vois tout en couleurs. Avant, je choisissais quel type de film j’allais placer dans mon appareil ; dès lors, je convertissais mentalement en nuances de gris. Ce n’est plus le cas, et d’autant moins que je « travaille » plus au smartphone qu’avec un réflex, je regarde l’écran en couleurs. Or, voilà que le noir et blanc me tente de nouveau*, et je me sens floué.
Ce n’est pas un mal. En fait, l’argentique m’économisait une réflexion, la chose étant décidée. Techniquement, il me semble que les capteurs pourraient proposer l’alternative couleurs/N&B – ce qui analyse le bleu se consacrant (par exemple) aux basses lumières, le rouge aux hautes, le vert aux nuances intermédiaires (il existe un Leica numérique dédié au noir et blanc).
En fait, la démarche n’est pas si difficile, j’étais peut-être un peu rouillé… L’éclat n’a pas à être le même, la notion de contraste diffère. Par ailleurs, le capteur restituant malgré tout une image en millions de couleurs, il faut passer par la post-production, et cette étape laborantine a peut-être du bon (à condition de ne pas consulter l’écran du smartphone autrement qu’en tirages de lecture, de s’accorder le temps de passer à celui de l’ordinateur). Parce que l’automatisation à tout crin nous incite à la précipitation, à l’immédiateté. La photo a beau être la chasse de l’instant, et exiger ainsi une rapidité instinctive, elle résulte d’une patiente et obstinée observation.
* après avoir regardé le film de Win Wenders, Le Sel de la terre, sur Sebastião Salgado, puis Koudelka Shooting Holy Land sur Arte.
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