Interview de Brigitte Chotel, Université Paris 3, Sorbonne Nouvelle.

Jean-Claude Marguerite enseigne la PAO aux étudiants du Master Lettres Appliquées aux Techniques Editoriales et à la rédaction professionnelle. Il vient de publier son premier roman de 1568 pages. A force de raconter des histoires à son fils, il est devenu écrivain….

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  • Jean-Claude Marguerite, pouvez-vous vous présenter ?

En dehors de mon intervention dans le module informatique du Master 2 LATERP (Lettres appliquées aux techniques éditoriales et à la rédaction professionnelle) où j’enseigne les outils de la PAO à de futurs éditeurs, je travaille dans l’édition, en indépendant. Actuellement, je crée des couvertures, je coordonne une collection de poche et je suis éditeur de guides touristiques, cela pour différents éditeurs. Dans le passé, j’ai été journaliste, photoreporter (je n’ai jamais vraiment cessé de photographier), et j’ai dirigé une agence de communication en province…

Mais aussi loin que remontent mes souvenirs, j’écris. À dix ans, j’inventais des pièces de marionnettes (que je dactylographiais, j’enregistrais ensuite les dialogues avec ma famille…) pour les jouer à des enfants de mon village. À seize, j’étais correspondant de presse. À vingt ans, je publiais un essai d’écologie, Sauver le bocage, et entrais à Ouest-France.

  • Vous venez de publier Le Vaisseau ardent aux éditions Folio SF, s’agit-il de votre premier roman ? 

Oui, Le Vaisseau ardent, malgré ses 1568 pages en Folio, est un premier roman ! Il est d’abord paru chez Denoël en 2010, dans la collection Grand public. Pascal Godbillon, qui dirige Folio SF, a relevé le pari de le sortir en un volume sans sacrifier ni le papier ni le confort de lecture.

 

  • Pouvez-vous nous dire quelques mots de sa genèse ? 

Ce roman est né d’un conte que j’ai inventé pour mon fils, quand il avait huit ans. C’était l’histoire d’un navire-pirate qui brûlait sans se consumer au milieu des glaces du Groenland, et d’enfants qui jouaient tant et tant qu’ils n’avaient pas le temps de vieillir… Peu à peu, j’ai développé cette idée en livre jeunesse, mais aucun éditeur ne l’a acceptée, malgré quelques vrais encouragements. Et puis, j’ai réalisé que mon erreur était d’écrire pour les enfants, alors que j’avais envie d’écrire sur les enfants. Du coup, mon imagination s’est débridée et je n’ai plus mis aucune limite au style. Par exemple, j’ai même rédigé un prologue sous la forme d’une pièce de théâtre.

Malgré mes contacts dans l’édition, j’ai adressé le manuscrit par la poste ; Gilles Dumay, chez Denoël, m’a rapidement appelé.

  • Êtes-vous passionnés par le genre SF ?

Mon premier livre de SF, c’était Micromégas, une lecture du programme de seconde. J’ai apprécié le potentiel de la démarche de Voltaire : s’abstraire des contraintes du réalisme pour illustrer un propos. Mais l’étiquette importe peu à mes yeux : j’ai écrit l’histoire que j’avais envie de raconter sans me soucier du genre.

D’ailleurs, Le Vaisseau ardent a tout autant été présenté comme un roman d’aventure que comme un conte initiatique. La critique qui m’a le plus touché en parlait comme « un grand vent marin qui nous pousse à agir, nous améliorer. » J’étais ravi : le livre ne se réduisait pas à un label… Dès sa sortie, Le Vaisseau ardent a été distingué par Le Point qui lui a décerné son coup de cœur de l’année.

 

  • Mais Le Vaisseau ardent comporte bien une dimension fantastique ?

Le personnage central, Anton, un jeune voleur qui deviendra un célèbre explorateur, consacre sa vie à la recherche d’un trésor, celui du Pirate Sans Nom. Or, il agit exclusivement sur la foi d’une intuition – ce pirate ne peut qu’avoir existé, bien qu’aucune preuve ne l’atteste. Au fil des pages, sa définition du trésor ne cesse d’évoluer, mais Anton reste fidèle à sa sensibilité de « l’autre côté des choses », cette frontière ténue où le réel et imaginaire se tutoient. Ce qui m’a permis de remettre en cause, avec lui, l’Histoire avec un grand H et de mêler (d’emmêler) légendes inventées et mythes universels. La touche fantastique s’imposait, afin d’illustrer à quel point l’imaginaire fait partie de notre vie. Après tout, ce que nous croyons, ce qui nous anime et nous motive, n’est-ce pas une histoire que nous nous racontons ?