Interview ayant accompagné la bande annonce du Vaisseau ardent, réalisée par Liwreo. Elle sera vue plus de 11 000 fois, le site fermant ses portes, en février 2011, alors qu’elle était à 2 clics de la 4e place.

 

1 – Liwreo.com : 18 années d’écriture pour ce roman. Comment avez-vous vécu la 19e année sans plus une ligne à rédiger sur le Vaisseau ardent ?

Il y a encore quelques semaines, je travaillais sur les épreuves : c’était la première fois que je relisais Le Vaisseau ardent d’un seul tenant… Et puis, il a fallu arrêter et laisser cette histoire commencer à vivre sa propre destinée. Je ressens forcément un vide, mais je recouvre une certaine liberté.

2 – Liwreo.com : Vous donnez une réalité à l’imaginaire qui entoure la piraterie. Et pourtant, on ne sait jamais ce qui est vrai dans votre récit. Pourquoi avoir instauré ce jeu de dupes constant ?

Dans la vie, les choses ne me semblent pas plus claires non plus. Bien qu’on s’en accommode, par nécessité. L’important, c’est d’avancer. Mais, tant de certitudes sont professées que j’avais très envie d’aborder la question du doute.

3 – Liwreo.com : Comment est né le personnage extraordinaire de l’Ivrogne, prince des conteurs ?

D’un souvenir revisité. Adolescent, j’ai rencontré un clochard qui m’a fait visiter Caen de nuit, pour en raconter l’histoire. J’ai vérifié ses anecdotes, elles étaient toutes fondées. Il était ivre et prétendait avoir signé chez Gallimard… J’ai cherché à le revoir le lendemain, en vain. Cela m’a paru un bon départ…

4 – Liwreo.com : Ce roman est-il légendaire ou historique ? Ou est-ce la même chose pour vous ?

Même un récit obstinément factuel comporte une part subjective essentielle, alors qu’une légende a au moins pour elle le mérite d’annoncer la couleur. Le Vaisseau ardent est clairement une fiction, bien que brodée de faits tenus pour historiques.

5 – Liwreo.com : Le pouvoir de votre écriture est de refaire naître l’enfant qui est en nous. Comment avez-vous su écrire aussi bien les pensées d’un jeune garçon de 10 ans ?

Parce que j’ai, parfois, davantage le sentiment d’avoir grandi que changé ? Je ne sais pas, ce n’est peut-être qu’une jolie formule. Endosser le rôle de chacun de mes personnages, tour à tour et à chaque réécriture, a été une expérience tout autant qu’un stimulant extraordinaires.

6 – Liwreo.com : Vos personnages principaux se construisent sur l’absence des parents. Les « orphelins » naissent-ils aventuriers ?

Cela n’a jamais été mon postulat et ce n’est probablement pas vrai. Plusieurs de mes personnages ont connu une enfance difficile (abandon, déconsidération) et se sont raccrochés à des objectifs pour s’en sortir. J’avais envie de mettre en scène cette détermination et d’explorer l’empreinte qu’elle laisse à l’âge adulte. Tous ne réagissent pas ainsi.

7 – Liwreo.com : Est-ce que les différents noms donnés à vos personnages correspondent aux différents masques d’une même personnalité ?

Probablement, encore qu’ils se succèdent et désignent ainsi tout autant des étapes… Ce sont des raccourcis très subjectifs, un peu à la manière des armoiries.

8 – Liwreo.com : Ardent se dit d’un voilier qui a une tendance naturelle à remonter au vent. Est-ce le signe de votre nature?

En fait, je ne songeais qu’au buisson ardent quand j’ai trouvé ce nom, et il s’est imposé. J’ai découvert le terme naval bien plus tard, je n’ai rien relevé de rédhibitoire dans la confusion que cela pourrait engendrer.

9 – Liwreo.com : Quels sont vos projets littéraires après la publication de ce monument ?

J’explore quelques pistes, j’aime prendre mon temps.

10 – Liwreo.com : Lorsque vous vous rappelez le premier instant où vous avez pensé à ce livre, vous sentez-vous fidèle aujourd’hui, au moment de la publication du roman, au Jean-Claude Marguerite d’il y a deux décennies?

Honnêtement, ça m’est bien égal. Je ne me pose pas la question. Si j’y réfléchis, je sens une continuité, mais le contexte est très différent : j’aime infiniment mieux ma vie d’aujourd’hui. Par contre, ce qui n’a pas changé, c’est que je pensais alors à mon fils qui avait 8 ans, comme en l’achevant j’ai pensé à mes filles, de 8 et 9 ans.

Propos recueillis par Philippe Fuentes