littérature et photographie

Étiquette : métro

L’olisbos (miroir #12)

Paris, affiche(s), 3 mars 2020.

En plein #MeToo, la dark romance est devenu le principal genre littéraire apprécié par un public féminin. Et le porno n’est pas qu’une affaire masculine. De quoi susciter des questions chez les féministes qui s’y risquent, et fourbir des arguments grossiers aux sexistes. C’est omettre l’importance cruciale de l’imagination comme du jeu. Il s’agit là d’envisager ou d’endosser sciemment un rôle et de participer librement à une mise en scène où l’improvisation se nourrit de modèles fantasmés. Et cela s’arrête là. À chacun sa sexualité, à personne de l’imposer.
Le sexisme se fonde sur le contraire, une sorte de « Je veux, je prends » de la prime enfance. Qu’il soit question de sexe, de propriété ou de croyance, quelle que soit la sophistication de ses méthodes et de ses discours, ce narcissisme relève de l’enfant sauvage devenu grand. Le développement de la conscience de l’autre comme des conséquences de ses actes s’est interrompu avant terme. Mais, n’est-ce pas la notion de morale qui définit notre degré de civilisation ?

Et vous, que voyez-vous?

Chaque dimanche, une photographie commentée du miroir subliminal du métro parisien.

Comment osent-ils ? (miroir #11)

Paris, affiche(s), 20 mars 2011.

La vulgarité de certaines campagnes nous rappelle à la réalité crue. Le monde gentiment glamour que nous racontent les affiches n’a pas d’autre prétention que de nous amener à acheter un produit, à adhérer à une idée, à nous conformer à un style de vie. La mise en scène publicitaire n’est qu’un enrobage, seule l’intention de l’annonceur compte.
Avec pragmatisme, on rétorquera que les communicants se contentent d’exploiter les stéréotypes de notre société, que le procédé est de bonne guerre. Mais, leurs messages justifient et enracinent ces idées reçues, ils ne sont pas neutres. Avec pertinence, on rétorquera encore que l’économie n’est pas la morale, et que, de ce fait, elle n’a qu’une valeur et aucune vertu. « Ça me profite, peu importent les conséquences » fait étrangement écho au raisonnement sexiste : « Je veux, je prends. »

Et vous, que voyez-vous?

Chaque dimanche, une photographie commentée du miroir subliminal du métro parisien.

Le lion et sa Vénus (miroir #10)

Paris, affiche(s), 22 septembre 2019.

J’ai vu la vulve caricaturale, démesurée, ancrée sur le pubis de cette Vénus de musée au corps diaphane. J’ai vu le lion farouche qui veille à ce qu’aucun autre ne s’en approche. Je n’ai vu qu’ensuite la main qui soutient les déchirures qui mettent à nu trois ou quatre générations d’affiches, comme pour amener le regard à se concentrer sur le ventre anonyme. Puis, qui le dirigent sur la bête vers laquelle converge la longue chevelure.
L’allégorie initiale du tableau se trouve donc réduite à une notion d’appartenance, et résume l’enjeu de celle-ci au sexe de la femme. Ces altérations, voulues ou non, semblent nous dire que l’art ne nous émancipe pas des stéréotypes.

Et vous, que voyez-vous?

Chaque dimanche, une photographie commentée du miroir subliminal du métro parisien.

Elle n’a rien à dire. (miroir #8)

Paris, affiche(s), 18 décembre 2007.

Quels graffitis la perfection artificielle de ce modèle a-t-elle provoqués ? Ces slogans maudissaient-ils la publicité en général, accusaient-ils de dépravation la femme ayant posé, profitaient-ils du climat ambiant pour oser une blague potache? Je l’ignore. La censure est passée par là. Elle n’a pas noirci du texte, elle l’a blanchi. Et ce que ces bandeaux immaculés sous ces lèvres carmin nous disent alors, c’est que cette femme est réduite au silence. Sa fonction est de se montrer, grimée en poupée improbable aux épaules nues et à la peau lissée, et de se taire. De ne pas parler d’elle. De ne rien laisser percevoir de qui elle est, de ce qu’elle pense, éprouve, espère, regrette, subit.

Et vous, que voyez-vous ?

Chaque dimanche, une photographie commentée du miroir subliminal du métro parisien.

Souriez! (miroir #0 )

Souriez! Paris, affiche(s). 16 novembre 2003. © Jean-Claude Marguerite

Que nous disent les affiches déchirées dans les couloirs du métro, les tags à moitié effacés ? Nous n’y prenons pas garde, nous passons devant sans marquer d’arrêt. Mais notre cerveau réclame du sens, il ne peut s’empêcher de recréer des histoires. Il associe ces reliquats à sa guise, ces morceaux choisis deviennent le miroir subliminal de nos préjugés.
Depuis des années, je photographie plus particulièrement ce qui me touche, me séduit, m’agace, me répugne de notre «vision» des femmes*. Un reflet édifiant du sexisme ordinaire.

Chaque dimanche midi, à partir du 28 janvier 2024, retrouvez sur ce blog une de ces photographies commentées. Abonnez-vous!

 * Attention, spoiler : je ne décolère pas.