Ces photos, je les ai faites sur mes trajets coutumiers,
celui des courses, celui d’un rendez-vous.
Béton et bitume témoignent de notre quotidien.
Obéir à des peintures sur le sol nous est devenu naturel.
Plus jamais, nos pieds ne touchent la terre.
Comme si nous en avions peur, qu’elle était sale,
qu’elle représentait un danger.
Depuis la préhistoire, le but de la civilisation
a toujours été de domestiquer la Nature.
Aujourd’hui, nous avons développé les technologies
nous autorisant à franchir un nouveau stade,
celui de l’artificialisation absolue de notre environnement.
Celui d’une humanité hors-sol ?
Sortie piétonne délaissée d’un parking d’un centre commercial d’une petite ville rurale. Ici, comme ailleurs, des revêtements artificiels recouvrent tous les sols, des entrée d’immeubles aux supermarchés. Même en campagne, bitume et béton nous
isolent de la terre.
Les rues sont en perpétuels travaux. Plusieurs fois par génération, nous devons réparer ou tout refaire. L’urbanisation promet une existence idéalisée, mais la réalité quotidienne est entachée de médiocrité. Quelques années suffisent pour vaincre cet univers artificiel qui remplace les espaces naturels que nous avons détruits.
En recouvrant les sols, nous repoussons les espaces naturels. En traçant des voies, nous repoussons le désordre. Mais, dans ce carrefour débordant de consignes spécifiques à chaque moyen de déplacement, c’est l’indiscipline qui finit par l’emporter.
Dans la pénombre de ce parking, la constellation des détritus métamorphose les flèches en comètes de Drive-in. En ville, nous suivons les signes sur le bitume, au risque de ne plus contempler les étoiles autrement que sur des écrans.
La modestie du trait figure un renouveau de l’art pariétal. Ces empreintes incrustées dans le bitume dont nous avons recouvert la Terre nous décriront-elles comme des génies technologiques ou une espèce primitive ?

Région parisienne, 21 juin 2021.
Sans pied ni tête, cette silhouette humaine se résumera bientôt à une flèche ou à une croix, deux abstractions de notre invention. Ainsi, ce que nous avons conçu et fabriqué dans notre effort constant pour nous détacher de la Nature finira par nous absorber.
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